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Dans la tourmente, Jean Charest décale son voyage en France

Le rendez-vous était fixé de longue date. Ses proches qualifiaient même ce voyage en France comme l’un des plus importants depuis sa prise de fonction en 2008. Mais Jean Charest n’a pas vraiment eu le choix. Rattrapé par une motion de censure, le premier ministre québécois a décidé de reporter son départ pour Paris. Initialement attendu lundi (22/10/2011), pour un séjour de cinq jours, il ne s’envolera qu’aujourd’hui de Québec. Et ne restera que deux jours à Paris.

Officiellement, Jean Charest a choisi de rester au Québec pour une question principe. « Quand il y a un débat sur l’avenir du gouvernement, c’est important que je puisse prendre la parole », a déclaré le premier ministre à La Presse canadienne, faisant savoir qu’il n’était pas « inquiet » sur l’issue du scrutin. Officieusement, sa présence lors du vote de confiance était fortement souhaitée. Sa formation, le Parti libéral, ne dispose que d’une courte majorité de cinq sièges à l’Assemblée nationale. Son absence, conjuguée à celle des deux ministres qui devaient l’accompagner en France, l’aurait réduite à peau de chagrin.

RESSERRER LES RANGS
Le Parti Québécois (PQ), à l’origine de la motion de censure, fait une toute autre lecture du report du voyage de Jean Charest. Selon le député Stéphane Bergeron, le premier ministre tient à participer au vote pour resserrer les rangs des libéraux. « Il veut rassurer ses troupes, car il sent qu’il y a des hésitations », considère le député péquiste dans les colonnes du Journal de Québec. « Il cherche à imposer son autorité », ajoute l’élu de Verchères, une ville située sur la rive sud de Montréal. Le chef du gouvernement apparaît en effet de plus en plus isolé sur la question sous-jacente de cette motion : l’ouverture d’une commission d’enquête publique indépendante sur le marché de la construction. Réclamée de tous bords par une large majorité de Québécois.

Depuis un an, les révélations et les scandales se succèdent au Québec sur les liens supposés entre un cartel d’entreprises du bâtiment et le crime organisé. Avec pour toile de fond des appels d’offre truqués et de possibles financements occultes de partis politiques. Jusqu’à présent, Jean Charest a préféré laisser la police faire son travail, demandant du temps pour que les enquêtes aboutissent. Face aux injonctions du PQ, le chef du gouvernement a longtemps pu compter sur le soutien de la FTQ, le puissant syndicat de la construction, et sur celui de l’Union des municipalités du Québec. Deux organisations qui ont fait volte face la semaine dernière, finissant par se ranger derrière l’opinion publique et demandant elles-aussi le déclenchement d’une commission.

SUSPICIONS
« Du temps, les Québécois en ont déjà donné beaucoup à Jean Charest », analyse Vincent Marissal. Chroniqueur politique à La Presse, il réprouve « l’entêtement » du premier ministre. Une obstination pernicieuse, puisqu’elle laisse penser qu’une enquête publique « pourrait être dommageable à son parti », écrit le journaliste du quotidien proche des idées libérales. C’est aussi le sentiment des Québécois. Un sondage publié ce week-end montre que 75% d’entre eux croient que « le Québec est une province corrompue ». 21% seulement ont un avis contraire.

Le succès de la pétition lancée le 15 novembre sur le site Internet de l’Assemblée nationale n’a donc rien d’étonnant. Parrainée par Amir Khadir, un député du petit parti de la gauche Québec solidaire, celle-ci demande la démission de Jean Charest. L’injonction a déjà rassemblé plus de 230 000 signataires, provoquant même le ralentissement du serveur informatique du parlement. Ce record historique n’a pas ébranlé le principal intéressé. « Les gouvernements sont souvent appelés à prendre des décisions difficiles qui peuvent être contestées », a simplement indiqué le premier ministre sur cyberpresse.ca.

BOL D’AIR

Sauf surprise, le chef du gouvernement devrait néanmoins obtenir cet après-midi la confiance de l’Assemblée nationale. « Je n'ai vraiment aucune difficulté à l'égard de la discipline », a déclaré au Devoir le whip libéral, le député Pierre Moreau, convaincu de remporter ce vote par quelques voix. Jean Charest pourra alors s’envoler pour la France. L’esprit tranquille.

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