Elliott Erwitt, maître de l'instant
N’ayons pas peur des mots : Elliott Erwitt est un photographe de légende. Certains de ses clichés ont marqué l’histoire du 6ème art. La rencontre historique entre Nikita Kroutchev et Richard Nixon en 1959, c’est lui. Jacqueline Kennedy derrière son voile, aux obsèques de son mari, c’est lui. Le portrait du Che Guevara rêveur, c’est encore lui. La fameuse image des lavabos de la ségrégation aux Etats-Unis, c’est toujours lui. Témoin privilégié des grands événements du siècle dernier, Elliott Erwitt est aussi, et surtout, un observateur espiègle de la vie quotidienne, qui n’a pas d’égal pour immortaliser la cocasserie de l’instant.
Né à Paris en 1928, le petit Elliott grandit en Italie et en France, avant que ses parents d’origine russe n’émigrent aux Etats-Unis en 1939, d’abord à New York puis à Los Angeles. Ado, il fréquente nonchalamment le lycée d’Hollywood tout en travaillant dans un labo photo, où il développe des tirages « signés » pour les fans de star de cinéma. Du fond de cette chambre naitra sa vocation: Elliott Erwitt sera photographe professionnel. « Pour vivre », précise-t-il aujourd’hui. « Je devais gagner de l'argent car j'étais déjà tout seul. La photographie est très simple et très valable pour un gamin de 16 ans », ajoute-t-il humblement.
En 1949, il retourne en Europe, où il voyage et débute sa carrière de photoreporter. Entre les ruines de l’après-guerre et la guerre froide, les sujets ne manquent pas et ses photos joviales et/ou ironiques lui rapportent un succès rapide. Elliott Erwitt commence alors à travailler pour des magazines prestigieux comme Life ou Paris-Match. De retour à New-York pour son service militaire, il rencontre Edward Steichen, Robert Capa et Roy Stryker qui apprécient ses photographies et le prennent sous leur aile.
Rendu à la vie civile en 1953, il devient membre à temps plein de la célèbre agence Magnum. Freelance dans l’âme, Elliott Erwitt s’y sent à son aise. « A Magnum, explique-t-il, nous faisons ce que nous voulons faire, nous ne faisons pas ce que nous ne voulons pas faire et nous gardons notre copyright. » Depuis, Elliott Erwitt n’a cessé d’observer le spectacle du monde qui l’entoure, photographiant ceux qui y vivent, qu’ils soient connus ou inconnus, petits ou grands, jeunes ou vieux, humains ou chiens. Entre poésie et humour, son travail se distingue par sa capacité à pressentir, puis à capter, le moment insolite, drôle ou étrange d’une banale scène du quotidien.
Jusqu’au 4 avril, la Maison européenne de la photographie rend hommage à ce véritable maître de l’instant, en présentant
« Personal Best », une exposition rétrospective que j’ai découvert en 2006, au 18ème festival de photojournalisme de Perpignan. Composée de 130 clichés choisis par Elliott Erwitt lui-même, dont de nombreux tirages d'époque très peu vus, cette expo retrace l’ensemble de son parcours. Sourires et tendresse garantis.
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