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Le Canada fait de la rétention d’information

Autrefois cité en exemple pour sa législation facilitant l’accès à l’information, le Canada mérite aujourd’hui le bonnet d’âne. Deux chercheurs anglais ont comparé les lois touchant à l’information en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Irlande, en Grande-Bretagne et au Canada. Parmi ces cinq démocraties parlementaires, la Nouvelle-Zélande occupe la première marche du podium, le Canada figurant sur la dernière, attribuée au pays faisant preuve de la « moins grande ouverture ».

En vertu de la Loi sur l'accès à l'information, toute personne résidant au Canada est autorisé à déposer une demande d'information auprès du gouvernement. La requête peut concerner n’importe quel sujet, dès l’instant où celui-ci relève d’une compétence fédérale. En théorie, les renseignements réclamés doivent être communiqués avec « célérité moyennant un coût raisonnable ». D’après Robert Hazell et Ben Worthy, de l’University College de Londres, cette loi serait « archaïque et inefficace ». Car elle empêche les citoyens de formuler des requêtes par courriel ou via Internet. Et parce qu’elle les oblige à payer, par chèque, des frais de dossier d’un montant minimum de 5$.

DECLIN
Ces conclusions ne sont pas surprenantes. Elles font écho à une précédente étude de Stanley Tromp, menée en 2008 pour le compte de l'Association canadienne des journaux (ACJ). Ce spécialiste de l’accès à l’information avait lui aussi montré que la loi canadienne était désuète, et qui plus est « mal appliquée ». La commissaire à l'information du Canada en convient elle-même : le système canadien est « en déclin », affirme Suzanne Legault.

Un déclin constaté dans le classement mondial de la liberté de la presse, établi chaque année par l’association Reporters sans frontières (RSF). En 2002, le Canada figurait au 5ème rang du palmarès. L’an dernier, il s’est classé 21ème, ex-æquo avec la Namibie, mais très loin derrière les pays scandinaves - Finlande, Islande, Norvège et Suède - qui trustent invariablement les premières places du classement.

CRISE
L’édition 2009/2010 de l'enquête nationale sur l'accès à l'information, rendue publique en mai dernier par l’ACJ, concluait qu'il y avait une « crise dans l’accès à l'information au niveau fédéral ». L’étude soulignait, entre autres, la multiplication des demandes d'extension de délai de livraison des informations ainsi que les soupçons d'interférence politique dans le traitement des demandes déposées en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Le mois suivant, plusieurs associations de journalistes ont ainsi dénoncé les tactiques mises en œuvre par le Premier ministre Stephen Harper afin de contrôler l'information. Depuis quatre ans, le chef du gouvernement conservateur est accusé de museler ses ministres. « Il met en scène des conférences de presse où seuls des journalistes triés sur le volet peuvent [le] questionner », rappelaient les signataires d’un courrier qui enjoint les journalistes à expliquer à leurs lecteurs qu'ils n'ont pu obtenir de réponses à leurs questions.

NOIRCEUR
Lors de son congrès annuel, fin novembre, la Fédération professionnelle des journalistes du Québec a finalement décerné à Stephen Harper le Prix de la noirceur pour « l’ensemble de son œuvre », indique Brian Myles, le président de la FPJQ. Les journalistes québécois reprochant au 1er ministre « d’intercepter les demandes d’accès à l’information, de bâillonner les fonctionnaires fédéraux et de refuser de répondre aux questions lors de ses conférences de presse ».

Pour RSF, la situation reste « bonne » au Canada… En tout cas moins pire qu’au Turkménistan, en Corée du Nord ou en Erythrée, derniers du classement mondial 2010 de la liberté de la presse.

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