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Le drame d'une Afghane à l'honneur du World Press Photo

Au choc des photos, le jury du World Press Photo Award préférait ces dernières années les images qui suggéraient des situations catastrophiques plus qu’elles ne les montraient. On se souvient de ces jeunes Libanais en pleurs à bord d’une Mini Cooper, immortalisés par Spencer Platt après un attentat dans les rues de Beyrouth. Ou encore de ces femmes iraniennes hurlant leur rage en pleine nuit sur les toits de Téhéran, leur détresse étant cadrée avec distance par Pietro Masturzo.

Cette année, les jurés du prestigieux concours de photojournalisme n’ont pas fait dans la métaphore. Ils ont choisi une image forte, sans équivoque, en récompensant la photographe sud-africaine Jodi Bieber pour son portrait de Bibi Aisha. Cette jeune Afghane, âgée de 18 ans, avait quitté son domicile à cause des violences que lui infligeait son mari. Une nuit, des Talibans exigèrent qu’elle soit jugée. Une fois le verdict prononcé, le beau-frère de Bibi l'a maintenue immobile pendant que son mari lui coupait les oreilles et le nez. Elle fut ensuite abandonnée puis secourue par un régiment de l’armée américaine, avant de s’envoler pour les États-Unis où elle subit plusieurs interventions chirurgicales.

UNE PHOTO DONT TOUT LE MODE PARLERA
Publiée en première page de Time Magazine le 1er août 2010, la photo de Jodi Bieber, également primé dans la catégorie « Portraits », montre Bibi Aisha avant ses opérations. Ses cheveux noirs surmontés d’un foulard mauve et violet cachent ses oreilles mutilées. La crevasse à la place de ce qui fut son nez est en revanche montrée sans fards. « C’est le genre d’images auxquelles on peut faire référence en disant « Tu sais, la photo de cette fille… ». Et tout le monde saura exactement de quelle photo on parle », observe le président du jury, David Burnett. Des photos comme celle-là, « il n’y a en peut-être que dix au cours d’une vie », ajoute-t-il.

Les autres jurés évoquent également la force de cette image, en insistant sur le message qu’elle véhicule au sujet de la maltraitance des femmes à travers le monde. « Cette photo pousse les gens à se demander Quoi ? Qu'est-ce qu'il se passe ? Que s'est-il passé ? » explique Aidan Sullivan, un membre du jury. Pour lui, « c'est la photo qui a posé les questions les plus importantes ». Sa consoeur Ruth Eichhorn souligne elle la « dignité » du sujet, qui donne une dimension « iconique » à cette image poignante.

Récompensée à huit reprises par le passé, Jodi Bieber obtient pour la première fois la plus haute distinction du World Press Photo Award. Cette année, un nombre record de 108 059 photos a été soumis au jury de l'édition 2010. Ses membres ont récompensé 56 photographes, de 23 nationalités différentes, dans les neuf catégories du concours.

Le site du World Press Photo

Le site de Jodi Bieber

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