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Zooms à Perpignan

Agences photo menacées de disparition, pillage des droits d'auteurs via internet et rémunérations indigente des photographes. D’année en année, le patron de Visa pour l’image ne cesse de tirer la sonnette d’alarme : le photojournalisme va de mal en pis. « On le sait, les temps sont durs pour les photographes, réaffirme Jean-François Leroy. La presse a perdu son rôle prépondérant dans la diffusion des reportages. La production se réduit de mois en mois, de jour en jour. Les prix ont baissé de manière très significative. »

Selon le directeur du festival, il faut donc « trouver de nouveaux canaux, de nouvelles distributions, de nouvelles idées… Les nouveaux modèles restent à inventer. » Plus de vingt après sa création, Visa pour l’image s’essaye ainsi pour la première fois à l’édition, avec la publication d’un ouvrage : War is personal, d’Eugene Richards, tiré à 600 exemplaires, en vente à Perpignan. Une initiative motivée par les refus d’une vingtaine d’éditeurs qui n’ont pas voulu publier l’émouvant travail du photojournaliste. Exposé l’an dernier à Visa, Richards aborde sobrement le traumatisme lié à la guerre en Irak à travers les portraits intimes de soldats et de familles aux séquelles physiques et psychologiques.

NATURE PEINTURE
Autre cheval de bataille pour Jean-François Leroy : les logiciels de retouche. Dès l’année prochaine, les photographes qui voudront exposer à Visa seront priés de soumettre leurs fichiers Raw, c’est-à-dire des images originales, vierges de toute correction informatique. « Certains photographes ne se rendent pas compte qu’ils se tirent eux-mêmes une balle dans le pied. Quand une photo est plus belle que la page de pub placée à côté, c’est délirant », tempête le directeur de Visa. Et de citer Haïti, en prenant pour (mauvais) exemple les images qu’il a reçues après le séisme du 12 janvier. « Vous connaissiez le ciel pourpre de Port-au-Prince, strié de nuages rosés ? Les gravats si blancs qu’ils en deviennent éblouissants ? Les Haïtiens qui deviennent gris, et ne sont plus noirs ? Le sang rouge, comme la honte ? Une réalité travestie, transformée, arrangée pour satisfaire on ne sait quel esthétisme. Oui, leur ciel est bas et gris, leurs Haïtiens sont noirs, leurs gravats sont ternes… »

EXPOS ET PROJECTIONS
Au-delà de ces débats, Visa sur l’image livre un regard sur l’actualité, qu’elle soit passée ou récente. A 82 ans, l’Américain William Klein, montre ses travaux des années 1950-60 dans une exposition intitulée New York, Rome, Moscou, Tokyo. Moins connue, la Polonaise Justyna Mielnikiewicz, Prix Canon 2009 de la Femme photojournaliste, expose un travail sur les conflits du Caucase. Interpeller le spectateur, sans donner libre court au voyeurisme, tout en respectant la vérité du témoignage : ce sera le challenge de cette 22ème édition qui fait le grand écart entre L’Afghanistan ou la liberté à l’épreuve 1993-2009, une expo du reporter australien Stephen Dupont et Les séquoias : la guerre du bois en Californie, une série de clichés sur la déforestation aux USA, signée par Michael Nichols, pour National Geographic.

Parmi les autres thèmes abordés, les conditions de travail de la police new-yorkaise (Antonio Bolfo, Impact), le quotidien de jeunes réfugiés dans la jungle de Calais (Carsten Snejbjerg, Lauréat du Grand Prix CARE du Reportage Humanitaire 2010)  ou encore la polygamie aux Etats-Unis (Stephanie Sinclair, La polygamie aux Etats-Unis). Enfin, au menu des soirées projections, sept thèmes, oscillant entre actualité et hommage : L’actualité de l’année sur tous les continents ; Haïti ; Afrique du Sud : 20 ans de la libération de Nelson Mandela ; Les années pop de 1960 à 1980 ; La guerre de Corée ; Claude Lévi-Strauss (1908-2009) ; et Gilles Caron.

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